Sommeil de Plomb ou Sommeil de Plume ?

Debout seule derrière son petit laboratoire de chimie portatif, Lia venait de passer une nuit blanche à surveiller sa potion ; celle-ci devait bouillir pendant 32 heures et être secouée pour ne pas brûler et être ratée. Et donc, elle avait dut se bourrer de café toute la nuit pour éviter de tomber endormie. En ce moment, elle avait de grosses cernes sous les yeux et ne pensait qu’à son lit. Malgré tout, elle ne pourrait pas y aller toute de suite, car bientôt, elle aurait un cours à donner au groupe de Nécromanciens de deuxième année.

Pour être sûre de bien endurer la journée, après avoir enfin terminé sa potion ; qui était en fait un philtre d’amour… Et non, avant que vous ne vous disiez qu’elle utilisait des moyens malsains pour arriver à ses fins, la potion n’est pas pour elle. C’était un moyen comme un autre d’obtenir de l’argent de plus non ? Et oui, elle fabriquait des potions pour les revendre. Et les philtres d’amour étaient ce qui se vendait le plus. Donc pour en revenir au moment présent ! Après avoir transvidé sa potion dans une trentaine de petites fioles qu’elle allait revendre, elle sortit de sa classe et marcha jusqu’à la salle des professeurs.

Se prenant son dixième café de la journée, elle décida de le prendre noir, pour que ce soit encore plus fort dans le système et qu’elle pourrait endurer sa journée. La magicienne alla ensuite s’installer à une chaise, posa son café sur la table après en avoir bu une journée, et fixa le vide devant elle pendant environ une minute. Ensuite ? Sa tête retomba directement sur la table et elle tomba endormie…

En à peine quelques secondes, Lia avait eu le temps de s’endormir bien profondément, allant même jusqu’à commencer un rêve. Quel genre de rêve ? Un rêve magnifique ; elle était maintenant seule dans une petite maison entourée de forêt, vivant grâce à la fabrication de ses potions qu’elle allait revendre une fois par semaine au village… La belle vie pour elle quoi… Mais la cloche annonçant le début des cours venait de sonner, réveillant la jeune femme en sursaut, la ramenant en même temps à la triste réalité. Dommage… Sous la secousse, elle renversa accidentellement son café sur la table.

– Oh flute !...

La jeune femme se releva rapidement pour aller chercher des serviettes afin d’éponger le café et nettoyer son dégât, mais autre chose attira son attention : son collègue à côté qui avait une de ses potions bien trop près de la bouche. Éprise de panique, elle se jeta sur lui, tous deux se retrouvant au sol, la jeune femme au-dessus. Rapidement, elle lui retira des mains la fiole, qu’elle constata à moitié vide.

– As-tu bu de cette potion ?

Retrouvant finalement ses esprits, elle rougit comme une pivoine puisqu’elle était complètement assise sur lui, et que leurs deux visages étaient bien trop près l’un de l’autre. Elle se releva et aida le jeune homme à en faire de même. S’il en avait bu, elle le verrait rapidement, et si c’était le cas, elle allait devoir fabriquer un antidote… Oh galère encore des heures sans dormir si c’était le cas…

Évidemment, il lui cria dessus après qu’elle se soit jetée sur lui. En même temps, c’était logique, elle aurait sûrement réagit de la sorte elle aussi si on lui aurait fait la même chose, mais elle avait agit dans l’immédiat, ne voulant pas se retrouver avec quelqu’un qui la suivrait partout en lui chantant la sérénade. Elle s’excusa et entrepris de nettoyer le café qui s’était renversé, trop fatiguée pour se rendre compte de la différence de couleur ; avec l’ajout de la potion.

Une fois fait, elle se retourna pour aller jeter les serviettes de table toutes imbibées de café, mais qu’elle ne fut pas sa surprise, alors que le professeur la coinça contre la table, allant presque jusqu’à coller son corps au siens. Rougissant évidemment de nouveau, elle savait néanmoins que ce n’était pas dût à la potion, puisqu’il aurait agit autrement. Lorsqu’elle se reprit, elle le repoussa sur le côté et se dirigea vers la poubelle, y jetant ses déchets.

– Et bien c’est un filtre d’amour et je peux deviner simplement par ton comportement que tu n’en a pas bu. Bien que j’ignore où tu as versé la moitié de la fiole, je tiens à te préciser que tu viens de me faire perdre cinquante pièces d’or puisque je vais devoir jeter celle-ci. Et vu ton air pervers sur le visage, j’en déduis que tu t’attendais à quelque chose comme un aphrodisiaque… Mais si tu en désir je peux t’en fabriquer, ce sera vingt-cinq pièces d’or la fiole, plus dix pièces d’or pour l’achat des ingrédients qu’il me manque…

Affichant un sourire, elle ne perdait pas la moindre occasion de faire des affaires, bien que s’il acceptait la fabrication d’un aphrodisiaque, elle craignait qu’il veuille la tester sur elle. Bah… c’était les affaires et un risque qu’elle était prête à prendre après tout…

Comme elle s’y attendait, Kazuki voulu lui prouver que ses potions fonctionnaient… et évidemment, elle se doutait qu’elle devait l’essayer elle-même. Lia sembla prendre un long moment d’hésitation, pesant le pour et le contre dans sa tête. En effet, ce qu’elle craignait le plus, était que la situation ne devienne aussi pire que ce qu’elle s’imaginait si elle acceptait, qu’il profiterait de sa faiblesse du moment et qu’il ne prendrait même pas ses potions.

– Tu semble extrêmement louche… mais j’accepte. Néanmoins, je n’en aurai pas de prête avant demain, puisque je serais sensée donner un cours en ce moment, même si les élèves doivent déjà être partis, heureux que je n’ai pas été là… Mais je dois aller acheter les ingrédients nécessaires et elle prend quatre heures de fabrication … Alors je t’offre ceci, tu me donne les dix pièces d’or nécessaire à l’achat des ingrédients, je fabrique la potion et si elle ne fonctionne pas je te rembourse tes dix pièces… si elle fonctionne, et que tu viens à abuser de mon corps… ce qui vas surement arrivé… tu m’achète au moins trois fioles…

Il était vrai qu’elle était dure en affaire, mais offrir son corps avait un prix après tout, que ce soit simplement faire le cobaye, ou que la situation aille plus loin. Elle tendit la main vers lui, attendant simplement le paiement, s’imaginant bien qu’il n’allait pas dire non.

– En plus, je me fiche bien du sort de ces gens qui boiront mes potions… je t’ai éviter de te retrouver dans la même situation, tu devrais m’en être reconnaissant… j’aurais put te laisser la boire et abuser de ton état pour te forcer à faire un fou de toi devant tout le monde, à me faire chanter une sérénade amoureuse, m’apporter des bouquets de roses et ce genre de choses…

Les murmures du jeune homme dans son oreille la firent frissonner, et la proximité de sa personne n’arrangea en rien le rouge sur ses joues. Mais son commentaire la laissa sans voix, se demandant elle-même si l’argent était à ce point important pour elle… pourtant, non, en y réfléchissant, mais elle n’avait pas non plus accepté dans le but de profiter elle-même de la situation. En fait, elle avait surtout accepté pour prouver que les potions, si souvent accusées de tromperies, étaient bel et bien réelles et efficaces, lorsqu’elles étaient préparées convenablement. Sentant les pièces se glisser dans sa main, elle la referma et glissa les pièces dans sa poche.

– Je ne suis nullement avare ni perverse, c’est simplement pour te prouver que mes potions sont efficaces, et que je ne suis pas une arnaqueuse comme tu l’as prétendu…

Peut-être qu’en effet l’idée du viol ne la déplaisait pas vraiment, mais ça, jamais elle ne l’aurait avoué, pas même à elle-même. Il continua sur sa lancée prétextant qu’utiliser une potion d’amour sur lui, elle l’aurait regretté. Étais-ce des menaces ? Quoiqu’il en soit, Lia n’était aucunement intimidée par ce genre de comportement. Affichant son propre sourire confiant, elle n’hésita pas à se rapprocher davantage de lui et de plonger son regard dans le siens.

– Ne crois pas arriver à m’intimider avec de simples paroles… Sur ce, reviens me voir demain en fin de journée dans ma salle de classe, et la potion sera faite…

Sans attendre d’avantage, ou laisser le temps au jeune homme de la retenir, elle quitta la salle des professeurs, puis l’école, se rendant à la place du marché.