La magie de la vie, c'est la musique.

_____Une simple promenade, voilà ce que Sibylle aimait faire de son temps libre quand elle ne chantait pas ou ne lisait pas. Elle s'était retrouvée dans la ville de Valkar suite à quelques rumeurs, qu'elle ne trouvait pas inintéressantes. De toute façon, qu'est-ce qui ne l'était pas à ses yeux ? Tout semble être monts et merveilles pour cette sirène. Sautillant de temps à autre, elle évitait habilement les passants, faisant tinter le tambourin accroché après sa ceinture pourpre, ainsi que ses nombreux bracelets après ses poignets.


_____Elle laissait traîner ses oreilles, à la recherche d'une nouvelle histoire à raconter ou à inventer. C'était sans doute ce qui lui plaisait le plus en tant que barde, même si chanter, elle adorait ça. Tandis qu'elle marchait, elle découvrait Valkar. Cette ville, elle en avait tant entendu parlé par son maître, originaire de la région. Elle remarquait également de nombreux jeunes vêtus de la même manière, un uniforme jugea-t-elle simplement.


_____Un éclair passa dans son regard, bien sûr ! S'il y a un uniforme, c'est bien qu'il devait y avoir une école. C'est souvent dans les écoles que naissent les légendes et contes pour enfants. Sibylle irait sans doute faire un tour par là-bas, mais dans l'immédiat, la sirène préférait prendre ses repères en vagabondant dans les rues.

Le jeune homme couleur océan se promenait lentement dans la rue, tentant d’éviter de se faire bousculer par de nombreux passants, se rendant sûrement tous vers la place du marché. En plus, c’était l’heure des achalandages de gens, et Alexander détestait ça. En tant que nouveau surveillant de la Zen’shi Institute, la jeune directrice, Rakuen, lui avait demandé d’aller chercher pour elle le courrier de l’école au bureau de poste. Bon, comme il n’avait pas eu grand-chose à faire – et ne voulait pas se faire virer dès la première journée pour avoir refusé de rendre un service simplement parce qu’il était trop flemmard – et avait donc accepté, sans trop démontrer son désintérêt. En plus, la directrice était plutôt jolie selon lui… m’enfin ! Ses pensées s’égaraient.

Traversant habilement la rue après avoir regardé des deux côtés, il n’avait pourtant pas vu quelque chose, ou plutôt quelqu’un… un quelqu’un qui lui fonça dedans en gambadant joyeusement. Évidemment, étant plutôt imposant, ce ne fut pas lui qui retomba sur le dos, mais bien la jeune femme.

– Oh pardonnez-moi je ne vous avait pas vu…

Affichant un mince sourire et un regard quelque peu désolé, il lui tendit sa main pour l’aider à se relever. Il en profita en même temps pour mieux la détailler ; tant qu’à avoir foncer dans une jolie fille, aussi bien admirer le portrait qui s’offrait.

_____Sibylle était rentrée dans une personne, l'inattention par cause d’absorption de l'environnement, une cause tellement idiote qu'elle ne voulait pas le mentionner dans l'excuse qu'elle devait formuler vis à vis de la personne avec qui elle était entrée en collision. Elle saisit la main qui lui était tendue en souriant au jeune homme.


- Non, ce n'est rien, c'est de ma faute, ne vous excusez pas alors que vous n'avez rien fait.


_____Elle se releva et détailla le jeune homme. C'est étrange, il avait cette prestance que seuls les êtres d'eau avait. Elle le savait car après tout, c'était une sirène. Et puis, ça ne trompe pas ce genre de sentiment et de ressentit. La jeune femme regardait le jeune homme avec insistance, comme si elle l'avait déjà vu quelque part. Ce n'était pas impossible, elle avait eu le temps de voir tellement de gens en deux cent cinquante années d'existence.


_____Elle finit par détacher son regard, repensant aux bonnes manières. Puis, elle lâcha la main du jeune homme qu'elle tenait encore.


- Je... Vous devez être pressé j'imagine, enfin, je pense ? Quoi que, ça se trouve vous vous promeniez comme moi, mais si je continue à vous parler, et que vous êtes pressé je risque de vous mettre encore plus en retard et je...


_____Sibylle plaqua ses mains contre sa bouche. Elle s'était emportée, un élan de joie, après tout, rencontrer un être d'origine aquatique en plein milieu des terres et loin de toute source d'eau. Excitée elle l'était, et puis, elle souhaitait au fond de pouvoir passer un peu de temps avec lui. Elle n'avait pas souvent l'occasion (pour ne pas dire jamais) de parler du monde aquatique sans avoir à tout expliquer ou parler sans retenue, alors elle espérait vraiment avoir la chance de pouvoir le faire.


_____La sirène sautillait sur place, comme un enfant l'aurait fait. Elle attendait patiemment une quelconque réplique de son interlocuteur même si elle n'en donnait pas l'impression.

Dès que la main de la jeune femme toucha celle d’Alexander, il eut tout de suite la confirmation qu’elle était bien du même milieu que lui : l’océan. Une sirène sans doute, puisqu’elle avait une peau plus chaude que la sienne, les élémentaux de l’eau ayant plutôt une température corporelle froide.

Lui-même plongea son propre regard dans celui de la sirène, se sentant légèrement ensorcelé par ces yeux. Ce fut le mouvement qui capta son attention, lorsque celle-ci retira sa main de la sienne – il n’avait pas non plus remarqué qu’il la tenait encore. Quoiqu’il en soit, il constata plutôt rapidement qu’il était tombé sur une personne assez surexcitée. Ne pouvant retenir un petit rire face à cet enthousiasme, il attendit qu’elle finisse sa phrase pour y répondre à son tour.

– Ahah non, je fais une course pour ma patronne, mais elle ne m’as pas dit que c’était urgent… Puis-je savoir votre nom ? Je dois me rendre à la poste, peut-être désirez-vous m’accompagner pour ne pas rester seule ?

S’attendant à ce qu’elle accepte, puisqu’elle semblait plutôt sociable, il n’attendit pas sa réponse avant de se remettre à marcher. Il n’était pas aussi enjoué qu’elle, se contentant de simplement marcher, évitant les gens au passage.

_____Sibylle hocha vivement de la tête positivement. Elle ne connaissait encore personne dans cette ville, donc bon... Il lui avait demandé son nom si elle avait bien relevé.


- Je m'appelle Sibylle Almazovna, et vous ?


_____Elle rattrapa rapidement le jeune homme et marcha au même rythme que lui, quoiqu'un peu plus énergique. Elle le regardait éviter les gens, ne faisant pas tellement attention où elle allait. Ce n'était qu'un détail mineur pour elle.


- Vous savez, j'ai plein de questions, commença-t-elle. Comme... euh... Quel âge avez-vous ? D'où venez vous ? Que faites-vous ici puisqu'après tout, les êtres de l'eau ont du mal à quitter l'eau non ? Enfin, non, puisque je l'ai fait moi-même, mais là n'est pas la question. Ca fait combien de temps que vous êtes sur les terres ? Et aussi qu'est-ce qui vous a poussé à quitter l'eau ? Je crois que je l'ai déjà posé cette question... D'une autre manière... Argh !


_____La sirène venait sans doute d'assommer le jeune homme avec toutes ses questions. Aussi s'arrêta-t-elle lorsqu'elle venait de faire un bruit bizarre, traduisant son accablement à se répéter. Sénile ? Non, elle avait seulement deux cent cinquante ans, ça n'était pas possible. Bon, peut-être ferait-elle mieux de se taire et de laisser son interlocuteur. Oui, c'était une bonne idée.

Comme il s’en doutait, la jeune sirène ne se fit pas prier pour le suivre, toujours dans son élan d’enthousiasme et de bonne humeur. Alexander se demanda s’il devait la trouver amusante ou énervante d’être aussi surexcitée, mais ne voulant pas être désagréable il essaya plutôt de continuer de pencher vers le premier.

– On m’as donné le nom d’Alexander

Se faisant ensuite bombarder de questions par la jeune femme, il tenta de se mémoriser la plupart d’entre elles pour ne pas en échapper une en y répondant pas la suite. Au moins, il eut la réponse à la sienne et savait maintenant avec certitude qu’elle venait du même coin que lui.

– J’ai en fait 55 ans, environ, même si je n’ai l’apparence que d’un homme de 25 ans, et je viens du fond de l’océan, près d’Artanas, tu dois sûrement connaître, quoique je ne me rappelle pas t’avoir aperçu dans le passé… Et je suis sur terre depuis environ 40 ans, je suis venu parce que je me suis lassé de ce monde aquatique. C’est un univers dont on connait tous les racoins en si peu de temps… et toi ? Pourquoi es-tu ici ?

En la voyant s’arrêter sans trop savoir pourquoi, l’élémental s’arrêta aussi et la fixa.

– Quelque chose ne vas pas ?

_____Alexander répondit à toutes ses questions. Il est jeune en fin de compte, et il semble tellement plus mature qu'elle même. Lorsqu'elle s'arrêta, il lui demanda si quelque chose n'allait pas. Elle hocha de la tête en disant que non et en souriant, reprenant ainsi sa marche.


- Pourquoi je suis ici ? Et bien pour les mêmes raisons que toi. Le monde sous-marin est tellement petit qu'on a vite fait d'en avoir fait le tour. Et puis les humains sont tellement fascinants, que j'ai envie de leur ressembler. Ils sont tellement différents de nous-mêmes, sur bien des points à commencer par la culture. Oui, c'est surtout poussée par la curiosité de découvrir et connaître cette race que j'ai quitté Kanilìa. Et quand bien même j'aurai été originaire d'Artanas, tu ne m'aurais jamais vu puisque cela fait cent soixante ans que je suis sur les terres, bien avant que tu sois né. Et en fait, tu es venu sur l'île assez tôt, quand tu avais quinze ans... Quoique, je suis partie bien avant ma majorité, mais j'étais tout de même plus âgée que toi. Enfin, je dois être agaçante à force de parler non ? Si je le suis, dis le moi hein.


_____Sibylle parlait déjà nettement moins vite. Après tout, elle se trouvait énervante elle-même et ne se supportait plus. Mais des fois, elle faisait attention, non pas pour elle mais pour son interlocuteur. Le tout, c'est pas de parler vite pour montrer qu'on sait parler, mais plutôt de parler normalement pour se faire comprendre. Elle leva la tête vers les nuages, ne faisant plus attention où elle allait, trop absorbée par l'observation du ciel.


- Ce qui m'a le plus émerveillé en venant ici, c'est le ciel. Du fond de l'eau, on voit seulement du bleu, tout prend une teinte bleuté, mais j'ai toujours voulu savoir pourquoi. Parfois, les rayons du soleil donnait une teinte plus colorée à la fosse, mais ça ne me donne qu'encore plus l'envie de savoir. Aussi, lorsque j'ai marché pour la première fois parmi les humains à Kanilìa, j'ai été subjuguée... Je ne saurai jamais expliquer la sensation de découvrir les nuages.


_____Elle avait pris un air rêveur en disant tout cela. Sa voix, qui auparavant montait parfois dans les aigus et qui pouvait sembler railleuse à cause de son excitation, avait pris un ton beaucoup plus posé, beaucoup plus calme et doux. Elle se mit à regarder devant elle, et eut raison, elle évita de justesse une personne.

Le jeune homme recommença à marcher dès que Sibylle en fit autant, marchant d’un pas moyennement lent mais sur de lui. Le bureau de poste n’était pas très loin encore, mais vu le nombre de personnes qu’il y avait, cela pourrait être plus long que prévu de s’y rendre. Il écouta la jeune femme parler d’elle, et de son expérience. En effet, elle était donc bien plus âgée que lui, mais les sirènes avaient une espérance de vie plus longue aussi, normalement.

– Non, je ne te trouve pas agaçante. Tu es bavarde c’est tout, mais comme moi je ne le suis pas, ça ne me fait rien de t’écouter

Il lui sourit, la voyant lever ensuite la tête vers le ciel et continuer son récit. Lui-même releva un moment la tête au ciel, ne s’étant jamais vraiment arrêté sur la question, contrairement à elle qui semblait avoir étudié la chose de long en large. Rebaissant la tête, il prit la jeune femme par le bras et la retira du chemin de quelques hommes qui ne semblaient pas enclins à éviter qui que ce soit. Il y avait des gens comme ça…

– Hé ! Vous pourriez regarder où vous aller !

L’élémental les auraient bien corrigés mais ceux-ci ne s’arrêtèrent même pas. Risquer de bousculer une jeune dame, ce n’était pas très galant. Une bande de rustres sûrement. Il vérifia que la sirène n’avait rien puis repris son chemin jusqu’à sa destination finale. Arrivant enfin devant le bureau de poste, il finit un petit sourire vers son interlocutrice.

– Je reviens, je n’en ai que pour une minute. Ne te sauve pas en mon absence…

Lui faisant un petit clin d’œil charmeur, il entra dans la boutique.

_____Alexander tira Sibylle par le bras, ainsi, elle évitait une personne. La sirène le remercia, elle était parfois un peu trop absorbée dans ce qu'elle faisait ou disait. Le jeune homme haussa la voix, trouvant les autres d'une impolitesse de ne pas regarder où ils allaient. Elle se sentait embarrassée, après tout, elle en faisait autant. Elle se doutait bien que ce n'était pas elle qui était visée, mais n'empêche...


_____Le jeune homme lui sourit, et lui dit de ne pas se sauver le temps qu'il fasse sa course. Avant de rentrer dans le bureau de poste, il lui fit un clin d'oeil. La rousse rougit un peu, en même temps, elle trouvait Alexander charmant, beau garçon, poli. Un bon parti en soi. Et qui ne serait pas insensible à un tel homme. Elle soupira, trouvant que ses pensées divaguaient un peu trop et qu'elle commençait rapidement à se faire des films. Elle s'appuya contre le mur de la poste et regardait les gens passer pendant qu'elle murmurait une mélodie de chanson.


_____Les yeux levés vers le ciel, elle tentait de comprendre le fonctionnement de ce dernier sans s'arrêter de chantonner. Fronçant des sourcils, elle pesta contre elle-même de ne pas comprendre les nuages et leur liberté et reporta son regard sur l'entrée du bureau de poste. Elle fut surprise par Alexander qui était à côté d'elle et lâcha un petit cri.


- Ah ! Ca fait longtemps que vous êtes là ? Demanda-t-elle.

L’élémental venait d’entrer dans la boutique, mais une personne était déjà présente à attendre son courrier. Attendant donc son tour, il prit le temps de regarder autour de lui, détaillant les carreaux des fenêtres qui devaient être nettoyés, la poussière amassée dans un coin, et quelques toiles d’araignées à certains endroits. Bon… visiblement ils ne faisaient pas souvent le ménage ici.

Vint finalement son tour. Il donna le papier au vieil homme à l’accueil ; un papier que Rakuen avait écrit pour signifier qu’elle donnait l’autorisation à Alexander de prendre son courrier à sa place. Le vieil homme aux cheveux blancs dit signer un registre au garçon et repartit ensuite dans l’arrière boutique. Il attendit encore un bon dix minutes et le vieil homme lui rapporta simplement une lettre. Le surveillant de l’institut fut un peu déçu, s’attendant à ce que ce chemin n’auraient pas été inutile, mais pour une seule lettre… m’enfin. Il prit l’enveloppe et la glissa dans la poche de sa chemise.

Son attention fut attirée vers l’extérieur alors qu’une douce voix mélodieuse parvint à ses oreilles. Une fois de nouveau dehors, il se rendit compte que c’était la sirène qui fredonnait un air. Mais elle se retourna vers lui au bout de quelques secondes et sursauta à sa vue. Son petit cri fit sursauter l’élémental en même temps, mais il se ressaisit rapidement et se mit à rire un peu.

– Assez pour t’avoir entendu chanter… tu as une jolie voix

Il était vrai que c’était la spécialité des sirènes mais bon, il était sincère et servit un magnifique sourire à la rouquine près d’elle.

_____Sibylle rougit. D'habitude, les gens ne lui disaient rien sur sa voix lorsqu'elle chantait. Ils se contentaient juste de l'écouter, appréciant le chant ou la mélodie. Elle se cacha derrière une mèche de cheveux pour cacher sa gêne puis secoua vivement la tête, comme pour évacuer son embarras.


- Et si on y allait ? Parce que j'ai pas trop envie de prendre racine ici.


_____Elle commença à marcher, et veilla à ce qu'Alexander la suive, enfin non, mais à ce qu'il soit près d'elle. Ca ne faisait pas longtemps qu'ils se parlaient, mais elle appréciait déjà sa compagnie. Elle trouverait cela dommage de ne pas pouvoir lui parler plus. Alors, elle profita également d'avoir d'autres questions pour les lui poser.


- Et d'ailleurs, pourquoi être venu à Valkar ? Je veux dire, la vie de voyageur et le périple de la découverte sont tellement plus intéressants que de rester à un même endroit non ? Je ne sais pas, cela fait longtemps que je voyage et encore aujourd'hui je découvre des endroits, et c'est tellement surprenant. Il y a des surprises à chaque coin de rue, de chaque ville et village, alors j'avoue ne pas comprendre la vie sédentaire.


_____Elle regarda le jeune homme avec une mine interrogative. Il était vrai que peu de gens, pour ne pas dire personne, n'avait su répondre à cette question. Peut-être que lui avait-il une réponse appropriée. Elle reporta son regard devant elle.

Alexander ne put retenir un sourire en voyant que la belle rousse rougissait suite à son compliment. Il était vrai qu’il avait une nature légèrement de dragueur, et bien qu’il distribuait souvent les compliments comme des bonbons aux jeunes femmes de son goût, il n’y en avait aucun qu’il ne pensait pas, alors c’était toujours de la sincérité malgré tout. Et bien qu’il était charmeur, les choses n’allaient pratiquement jamais plus loin que les conversations ; les relations amoureuses n’était pas spécifiquement son point fort. Bien qu’il n’était jamais vraiment tombé amoureux, mais ça c’était une autre histoire.

Voyant qu’elle recommença à marcher, l’élémental la suivit, sans vraiment se soucier du fait qu’il devait ne pas prendre trop son temps à rentré à l’institut. La sirène lui posa une question qui le prit au dépourvu. Pourquoi être venu ici ? Il ne savait pas trop lui-même… probablement pour se débarrasser d’une vie de vols pour survivre, alors qu’ici, il avait un travail convenable, un bon salaire et un endroit où rester.

– J’ai toujours dût voler pour survivre, je pense que j’ai simplement sauter sur l’occasion de sortir de la misère… et toi ? Que viens-tu faire ici ? Un simple village sur ta route de découverte ?

_____Elle resta pensive lorsqu'il lui expliqua pourquoi il était venu à Valkar. Un voleur ? C'est drôle, il n'en avait pas du tout le profil... Il en tirait peut-être avantage. Et puis c'était un changement radical, de passer voleur à employé dans une école. Après tout, ça ne le regarde que lui.


- Découverte ou plutôt redécouverte. Je suis venue il y a longtemps ici, mais les choses ont tellement changé. C'est fou comme une ville peut évoluer rapidement. Néanmoins, d'autres choses restent immuables avec le temps. Enfin ce n'est pas ce qui m'amène ici. C'est à cause de rumeurs, plus ou moins vagues, intéressantes, mais qui restent à approfondir. Voilà, ni plus ni moins. Mais tout de même changer de domaine de travail aussi radicalement, je trouve ça impressionnant, parce que je pense qu'il faudrait avoir une certaine volonté. Par exemple, je ne pourrai jamais abandonner mes voyages et mes instruments pour me poser, j'en serais incapable. Ma vie, c'est le voyage, et partager ces voyages. En même temps, je crois être une cause perdue avec toutes ces années de découverte derrière moi.


_____Elle avait dit sa dernière phrase en riant, puis elle se rendit compte qu'elle avait beaucoup parlé, pour ne pas changer. Sibylle était comme ça, on lui demandait une réponse par oui ou par non, elle expliquait, démontrait, théorisait et s'égarait, le tout dans une phrase. Elle se frotta l'arrière du crâne, Alexander lui avait dit qu'elle n'était pas agaçante, mais la sirène était presque sûre du contraire. Rares sont les gens qui apprécient les gens bavards.

Alexander s’arrêta un moment pour regarder Sibylle. Elle avait tout de même raison, il lui avait fallut beaucoup d’efforts pour changer de domaine et s’installer dans un endroit stable, mais en même temps, il n’avait pas passé son temps à voler pour le plaisir, mais bien pour survivre dans ce monde qui n’était pas toujours rose. La sirène semblait l’apprécier plus que lui, bien qu’il n’en détestait pas certaines facettes. Au moins, les civilisations avaient su respecter la nature jusqu’à présent et, lorsqu’il en avait marre des bruits de la ville, il partait simplement faire un tour dans son propre habitat : l’eau. Ça le remettait toujours de bonne humeur.

– En effet, ce sont des changements radicaux, mais parfois la vie nous force à faire des choses qu’on n’a pas spécifiquement demandé. Par exemple, j’en déduis que vous êtes Barde, avec votre belle voix, vous ne pouviez faire un meilleur choix de carrière… Mais je n’ai pas vraiment demandé à devenir voleur, bien que j’en tire quelques bénéfices lorsque je me retrouve dans de beaux-draps…

L’élémental regarda l’heure. Il devait vraiment rentrer sinon la directrice allait soit s’inquiéter ou soit être en colère, mais d’un autre côté, la compagnie de la sirène lui faisait bien plaisir et il n’avait pas envie de simplement lui dire au revoir.

– Je suis désolé mais si je ne rentre pas maintenant je pourrais bien m’attirer quelques ennuis… néanmoins, votre compagnie m’est bien agréable. Me ferez-vous le plaisir de dîner avec moi ce soir au restaurant…?

Tant qu’à rencontrer une jolie femme, qui était du même coin que lui qui plus est, et qui était intéressante à écouter même si c’était une vraie pie, aussi bien en profiter et l’inviter à se revoir. Il espérait qu’elle dirait oui, bien qu’il comprendrait si elle refuserait, même s’il serait bien déçu…

_____Elle hocha de la tête lorsqu'il déduisit que la sirène était une barde. Pas besoin d'être une lumière pour le comprendre, ou non, ça relevait de la logique, donc avec un peu de bon sens, on pouvait aisément le deviner. Elle avait vu juste lorsqu'elle avait pensé qu'il usait de ses talents quand il estimait en avoir besoin. Ca devenait vite un réflexe d'utiliser des habitudes que l'on a. Lorsqu'il lui proposa un dîner, Sibylle regarda l'heure à son tour.


- Et bien, pourquoi pas après tout. Ca ne coûte rien de se revoir. Alors que dites vous de la taverne vers hum... vingt heures ?


_____La sirène regardait vaguement autour d'elle si elle trouverait une quelconque occupation en attendant vingt heures, enfin, si l'horaire convenait à l'élémental. Elle reporta son regard sur le jeune homme en attendant la réponse.

Alexander fut ravis que la jeune femme ait, elle aussi, envie de le revoir, bien qu’elle semblait beaucoup plus neutre suite à cette invitation qu’il ne l’aurait espéré, mais tant pis, on ne pouvait pas tout avoir. Il sembla songer un moment, davantage pour se rappeler de l’heure à laquelle il finissait que pour savoir s’il acceptait ou non. Vingt heures, ça ira, puisque ce soir il terminait à dix-huit heures. Souriant un peu à la sirène, il lui prit la main et y déposa un charmant baiser sur le dessus.

– C’est parfait alors, je vous dit donc à ce soir...

Relâchant ensuite sa main doucement, il s’inclina un peu pour se la jouer «Prince Charmant» et repartit de son côté dans le but de retourner au boulot. Cette idée ne lui plaisait pas particulièrement, mais il falait bien gagner sa croute, et hors de question de retourner dans la rue à voler pour survivre. Bien qu’il aurait préféré devenir professeur et être davantage utile à la directrice que simplement en parcourant les couloirs de l’école à longueur de journée à avertir les élèves et à s’assurer que rien arrivait, il savait qu’il n’y avait aucune matière qu’il aurait put enseigner. Il ne connaissait pas grand chose à la magie, hors mis la manipulation de l’eau dans son cas, et n’était pas des plus experts en combats non plus.

Mais bon, trève d’égarement de cerveau, ce soir il avait une sortie, et pour se rendre à vingt heures, il valait mieux retourner travailler, le temps passait plus rapidement...