La solitude se supporte toujours mieux à deux (PV Ryaru)

Une autre journée venait de se terminer à l’institut. Les nouveaux élèves avaient tous été placés dans les chambres, ils allaient tous commencer les cours bientôt, et personne n’avait été blessé par les bousculades de l’empressement de la rentrée… c’était plutôt de bonnes nouvelles. À cette heure, la plupart des jeunes gens devaient être à la cafétéria en train de manger leur repas du soir. Rakuen, elle, avait déjà terminé le siens, l’ayant pris à la hâte entre quelques classements de dossiers.

Le soir était enfin tombé et elle avait décidé d’aller prendre quelques moments de répit sur le toit – c’était l’endroit idéal pour se détendre et méditer un peu – le vent étant généralement plus présent dans les lieux plus élevés. Elle commença par aller s’appuyer sur la clôture présente tout le tour du toit, c’était utile pour éviter de tomber, quoique certains s’amusaient à se jeter par-dessus pour pratiquer leurs techniques de Lévitation… ouais, ça avait fait quelques blessés dans le passé. La jeune directrice sourit un peu, murmurant un léger «ah les jeunes..» pour elle-même.

Finissant par s’éloigner de la clôture, elle s’assit en tailleur dans un coin, apposant les paumes de ses mains sur ses genoux et fermant les yeux. Elle laissa le vent – plutôt fort et frais ce soir – lui fouetter le visage, alors qu’elle tentait de rendre sa respiration constante. Néanmoins, sa détente ne dura pas longtemps, alors qu’elle entendit la porte du toit s’ouvrir. Un élève solitaire sûrement…

La jeune femme finit par tourner la tête vers l’endroit où était la porte – qui était en fait derrière elle, sentant le regard insistant de la part de la personne en question. Remarquant effectivement un élève, elle se sentit néanmoins légèrement troublée devant le regard qu’il lui lançait. Rakuen se rappela avoir vu ce visage aujourd’hui, mais elle avait été un peu trop occupée pour se rappeler des noms de tous. Et pourtant, elle avait déjà l’impression que cet élève la détestait. L’année allait être longue…

– Je ne vais pas te manger, inutile de me regarder de cette façon…

Puis elle pensa que peut-être il craignait de se faire gronder, mais il n’était pas écrit nulle part que les élèves ne pouvaient pas venir sur le toit. En plus, ce serait plutôt idiot d’interdire aux élèves de venir alors qu’elle-même y venait pour méditer. M’enfin…

Elle se replaça le dos bien droit, ne se préoccupant plus ou moins maintenant de la présence du jeune homme – fort mignon pour un drow d’ailleurs – et ferma les yeux de nouveau. Se concentrant un long moment, elle tenta d’écouter le vent, et de régénérer un peu de son énergie par la même occasion.

– Fais comme si je n’étais pas là

La directrice se doutait, simplement par le regard qu’il lui avait lancé, qu’il ne viendrait pas faire la conversation. Aussi, elle ne le dérangerait pas dans ce qu’il était venu faire, sûrement simplement chercher un coin tranquille dans tout ce brouhaha.

Les minutes passaient et la jeune femme ne bougeait pas d’un cheveu. Sa respiration devenait de moins en moins fréquente, mais son aura magique devenait de plus en plus puissante. En fait, puisqu’elle aspirait directement l’énergie de l’élément lui-même qui acceptait d’être en son contact, sa puissance augmentait plutôt rapidement. Enfin, puissance n’était pas tout à fait le mot juste, disons plutôt la force magique. L’énergie qu’on absorbe ne fait pas la puissance mais aide à l’endurance. En absorbant une grande quantité d’énergie, Rakuen pouvait aller jusqu’à ne pas dormir pendant une semaine sans se sentir fatiguée, mais elle n’abusait jamais de ce genre de choses.

Au bout d’un long moment, une légère lumière blanchâtre finit par apparaître autour d’elle, moulant sa silhouette agréable à l’œil. Celle-ci ne resta présente que quelques secondes, disparaissant aussi rapidement qu’elle était apparût. La jeune femme ouvrit les yeux de nouveaux après la disparition de cette petite lumière, reprenant aussi une respiration plus normale. Elle était maintenant pleine d’énergie. La directrice plongea sa main dans sa poche et en ressortit quelques pétales de rose, qu’elle laissa s’envoler au vent. C’était une sorte d’offrande pour le remercier de lui avoir donné de son énergie.

Elle savait que bien des gens pourraient la trouver étrange simplement en observant son comportement, mais son grand-père lui avait bien appris que rien ne devait être pris sans l’accord de la personne ou l’élément concerné, et qu’une fois qu’on avait pris quelque chose on devait le remercier, et c’était ce qu’elle faisait à chaque fois. Elle espérait bien que les élèves allaient apprendre ce principe également.

Se retournant pour partir, elle vit ensuite le jeune homme en train de lire un livre. Elle s’approcha doucement pour tenter de voir le titre du livre, bien qu’elle ne voulait pas non plus le déranger.

La jeune femme se retrouva un peu prise au dépourvu lorsque l’élève passa son regard du livre à elle, puis, elle remarqua les pétales de roses qui avaient atterrit sur lui. Souriant doucement, elle s’agenouilla près de lui pour les retirer.

– Ah ah, pardonne-moi. Je n’avais pas calculé qu’ils atterriraient sur toi, et je ne voulais pas te déranger, ma curiosité me perdra un jour…

Elle n’avait pas eu le temps de voir la totalité du livre, mais elle trouva fort curieux, quoiqu’amusant, que le bout du titre qu’elle avait eu ait un lien quelconque avec les pétales qu’elle avait lancés. Drôle de coïncidence. Après avoir repris chacun des pétales, sauf ceux qui avaient atterrit à des endroits un peu trop intouchables, elle se releva et s’approcha de la clôture pour les relancer vers le bas – ainsi ils ne dérangeraient plus personnes dans leurs lectures… sauf peut-être quelques étudiants qui passaient en bas. Se retournant de nouveau vers le jeune homme, elle se demanda un moment si elle devait simplement s’en aller.

– J’étais simplement curieuse de savoir ce que tu lisais, mais ma compagnie semble te déranger alors, je vais simplement m’en aller et te laisser lire tranquillement…

La vérité était qu’elle se sentait légèrement intimidée par ce regard autant haineux. Elle n’aimait pas l’idée qu’on puisse la détester. Alors elle passa simplement à côté du garçon.

À sa grande surprise, le regard du jeune homme à son égard fut totalement différent. Il n’y avait plus de cette haine, mais plutôt une quelconque gêne. C’était vraiment comme s’il était une toute autre personne, ce qui étonna un peu la directrice. Dédoublement de personnalité ? À vérifier… Au moins, elle se sentait déjà mieux de ne plus se sentir détestée. Il se présenta même à elle, ce qui lui fit grandement plaisir.

Elle revint près de lui, remarquant la rose qu’il tendait maintenant vers elle. Ne pouvant s’empêcher de rougir un peu devant ce présent fort joli, elle prit doucement la rose, effleurant la peau des mains du jeune homme accidentellement, et s’assit près de lui.

– Elle est très jolie, merci beaucoup. Tu seras sûrement très puissant lorsque tu auras terminé tes études ici

La jeune femme n’aimait pas tellement la nécromancie, ayant une peur cachée pour les cadavres et les zombies, et elle pensait que les morts devaient restés où ils étaient maintenant, qu’ils avaient droit de se reposer en paix. Mais bon, elle ne jugeait pas les autres et même si elle n’aimait pas cet art, elle ne détestait pas pour autant ceux qui avaient décidé de s’y lancer.

– Moi c’est Rakuen, mais je pense que tu le savais déjà hihi. Il parle de quoi ton roman ? Ça m’as l’air intéressant

Conservant bien la fleur sur ses genoux, elle se contenta de sourire. Pour l’instant le sujet du livre était pas mal le seul sur lequel elle pouvait s’aventurer dans le but de ne pas être trop indiscrète. Il est vrai que normalement, elle aurait plutôt posé des questions comme «qu’est-ce qui t’as poussé à t’inscrire ici ?» ou «que penses-tu de l’école ?», mais pour une fois, elle essaierait de ne pas trop parler d’école, et peut-être qu’il lui dira de lui-même ce qu’il espérait apprendre ici.

Voir rougir un drow. Et ben dit donc. Rakuen pourrait noter cet événement dans son calendrier – ça ne devait pas arriver tous les jours. Elle avait déjà entendu que les drows étaient plutôt froids, distants et qu’ils détestaient la plupart des autres races… finalement son comportement d’avant était bien représentatif de sa race. Le voir maintenant avec un regard presque langoureux, c’était une toute autre chose. Elle lui rendit son doux sourire.

– Ça semble très intéressant comme histoire en effet. Tu semblais plutôt froid et distant, je n’aurais pas cru que ce serait une histoire d’amour que tu lisais. C’est souvent les relations interdites qui sont les plus passionnées, sans doute la peur de se faire coincer ajoute plus d’excitation j’imagine

Rougissant un peu à son tour, elle ne put faire autrement que se rappeler sa jeunesse. En effet, la plupart des jeunes adultes aiment bien l’interdis, et le franchir. C’était toujours une sensation d’adrénaline très enivrante qui envahissait notre corps lors de ces moments. Enfin, elle disait ça pour un peu tout, pas seulement en amour.

– Ne t’inquiète pas, un jour tu trouvera une charmante personne avec qui partager ce genre de sentiments

C’était agréable d’apprendre à connaître un élève autrement que par ce qui était écrit à son dossier scolaire. La plupart des gens avaient une face cachée, même elle, et elle se considérait toujours chanceuse lorsqu’une personne acceptait de lui dévoilée son côté masqué. Après tout, ce n’était pas tout le monde qui lui ferait confiance à première vue ainsi.

La jeune femme se retrouva prise au dépourvu après les paroles du jeune drow. Elle sentit sa température corporelle augmentée avec la gêne, au même rythme que son visage devenait de plus en plus rouge, jusqu’à s’arrêter une fois le rouge pivoine atteint. Elle était un peu sous le choc, se demandant comment elle pouvait être du gout de Ryaru alors qu’ils venaient à peine de commencer à se parler. Complètement sans voix, elle ne put répondre quoique ce soit.

Ce genre de drague, c’était en effet agréable. Le seul hic, était qu’elle était mariée. Certes, ça n’avait été qu’un mariage de convenance, et ils faisaient même chambre à part, mais elle se voyait mal flirter avec quelqu’un d’autre, un élève de surcroît. En tant que directrice, elle ne pouvait interdire ce genre de relations entre professeurs et élèves, et se faire coincer dans la même situation à son tour. Bien qu’il était très séduisant, elle ne savait quoi y répondre.

– Tu feras tomber n’importe quelle fille à tes pieds avec ce genre de phrases… mais je suis mariée… et la directrice… je n’ose imaginer les répercutions si je te fréquentais…

Elle se pencha vers lui et déposa un baiser sur sa joue.

– C’est tout ce que je peux t’offrir… navrée…

La jeune humaine baissa le regard, soupirant. Elle s’attendait à ce qu’il redevienne froid et qu’il s’en aille, ou lui demande de partir. Elle n’aimait pas blesser les autres, et elle s’en mordit la lèvre inférieure. Certains voyaient le rejet comme une atroce douleur, d’autres, tentaient plutôt de continuer jusqu’à faire céder la femme qu’ils convoitaient. Elle se demanda laquelle des deux situations allait arriver avec Ryaru.

À sa grande surprise, le jeune homme ne repris pas son air froid. Il semblait même triste qu’elle ait elle-même un regard triste. Le voyant s’approcher d’elle, son réflexe fut de reculer légèrement, et de détourner un peu la tête, croyant qu’il allait déjà l’embrasser, mais non, il vint murmurer à son oreille.

Rakuen ressentait son cœur battre plus rapidement, et la nervosité montait plutôt rapidement, rendant donc sa respiration plus rapide aussi. Un grand frisson parcourut le long de sa colonne vertébrale. Elle ne savait trop quoi faire. Il était vrai qu’elle n’était pas indifférente devant les charmes du jeune drow, mais sa raison restait tout de même plutôt forte. Dès qu’il vint pour s’approcher d’elle à nouveau pour l’embrasser, elle détourna la tête de nouveau, reculant un peu pour la seconde fois.

– N-non… quelqu’un pourrait nous voir et je pourrais me faire virer… et plus personne ne me respectera en tant que directrice… et je n’ose imaginer les moqueries que les élèves feront et… et….

Son dos finit par se retrouvé contre le mur d’où était la porte d’entrée pour arriver sur le toit et elle se sentit rougir davantage. Si elle voulait toujours le repousser maintenant, elle devrait user de magie, et elle n’aimait pas arriver à ce type de moyens. La vérité était qu’elle se sentait fondre devant un tel regard et elle ne voulait pas se l’avouer.

– N-n’insiste pas… on s’attirerait des ennuis… et… et….

La jeune femme se mordit la lèvre inférieure, ne trouvant plus d’autres arguments, bien que ceux déjà mentionnés auraient dut être assez pour convaincre Ryaru.

La jeune sorcière tourna la tête vers la porte, voyant bien que Ryaru avait jeté un sort à celle-ci pour que personne ne puisse venir. Ça retirait déjà un poids de sur ses épaules, mais un professeur expérimenté pourrait aisément arriver à briser ce genre de sort, alors elle ne se calma pas totalement.

Néanmoins, elle ne voulait pas l’avouer, mais se retrouver prise au piège ainsi ne faisait qu’ajouter encore plus d’adrénaline et d’excitation à la situation. Ce que la plupart des gens ne savaient pas d’elle, était que lorsqu’il était question d’amour ou de sexe, elle devenait aussi timide et soumise qu’une pauvre brebis sur le point de se faire dévorer par un loup affamé. Alors que normalement, elle était plutôt extravertie et fonceuse.

– N-non arrête je… hm !...

Les lèvres de l’elfe noir venaient de toucher les siennes. La totalité de son corps se raidit d’abord un peu, puis se calma doucement, alors qu’elle n’osa le repousser. Cela faisait bien longtemps qu’un homme l’avait désiré de cette façon, et elle n’arriva simplement pas à résister. Il était vrai qu’elle aurait put user de télékinésie et le repousser… mais qu’y avait-il de si mauvais à un simple baiser après tout…?

Le contact fut rompu au bout de quelques minutes, les lèvres des deux jeunes gens se séparèrent. La jeune humaine était légèrement dans les vapes, mais se ressaisit au bout d’à peine quelques secondes en croisant le regard perçant du drow. Elle avait l’impression qu’il serait capable de lire jusque dans son âme, ce qui lui donna un léger vertige mais pas désagréable. Il semblait chercher dans le regard de la blonde une autorisation d’un second baiser, l’autorisation de continuer ce moment langoureux.

Bien qu’elle était très nerveuse, elle ne fit que détourner le regard, acceptant par ce simple geste qu’il continue. Son cœur allait sortir de sa poitrine et elle n’osa regarder de nouveau Ryaru. Elle n’osa plonger son regard bleu ciel dans ces yeux couleur rouge sang, ce regard l’intimidant plus qu’elle ne voulait le laisser paraître.

Et même si elle aurait put se libérer facilement de cette emprise si elle l’aurait voulu, elle avait l’impression que son âme, elle, était ligotée au sol par le simple regard de cet homme. Ce qui n’était pas vraiment désagréable non plus… légèrement effrayant, mais pas désagréable…

– Ton regard est si perçant… et ton aura intimidante… je me sens comme un lièvre pris au piège devant le chasseur…

Quelques images parcoururent son cerveau sous l’effet de son imagination naturellement débordante et elle se sentit rougir encore plus, baissant un peu la tête pour espérer qu’il ne la voit pas devenir aussi rouge qu’une tomate à nouveau.