Un repos bien mériter

La journée avait été plutôt difficile pour la jeune directrice de la Zen’shi Institute. En fait, la totalité du début de la semaine avait été difficile. Premièrement, elle était tombée dans une relation totalement interdite avec un des élèves, ce qui était extrêmement mauvais évidemment. Et deuxièmement, ce même élève s’était bagarré avec un professeur et eux deux avaient démoli une partie d’un mur de l’école. Heureusement pour elle, elle avait eu assez d’énergie magique pour tout réparer sans trop de mal et sans trop de temps.

La soirée venant de tomber, elle décida de laisser la relève aux surveillants de l’institut pour quelques heures au moins, trouvant qu’elle avait besoin d’un petit remontant. Sortant de l’école, elle marcha jusqu’en ville, profitant en même temps de l’air frais qui faisait virevolter ses cheveux. Au bout d’une quinzaine de minutes de marche, elle arriva enfin à la Taverne et pénétra dans l’établissement.

Il y avait déjà beaucoup de gens apparemment, la place était même particulièrement bondée ce soir, mais la situation semblait encore convenable, ce qui voulait dire qu’il n’y avait pas encore d’hommes saouls qui avaient déclenchés une bagarre ; ce qui était plutôt fréquent dans une Taverne de l’époque Médiéval. M’enfin. Elle commença par aller faire un petit tour aux toilettes, désirant se rafraichir un peu, puis revint dans la pièce et s’assit sur un tabouret de libre devant le bar et se commanda un verre d’alcool fort.

Elle n’avait pas aperçu encore la présence du jeune drow dans l’établissement, jusqu’à ce qu’elle décide de jeter un coup d’œil rapide dans la pièce. Évidemment, un elfe à la peau noire, dans un environnement où la plupart des gens avaient la peau pâle, ça ne passait pas inaperçu. Rakuen se sentit rougir jusqu’à la pointe des cheveux, commençant à se demander si c’était toujours dût au hasard s’ils se retrouvaient toujours dans les mêmes endroits.

Le voyant se lever et venir le rejoindre, la jeune femme se retourna vers le comptoir dès qu’il arriva sur le tabouret près d’elle. Rakuen savait que le jeune homme ne la suivait pas particulièrement, surtout qu’il semblait être ici depuis plus longtemps qu’elle. Néanmoins, elle commença à se demander à quel point le hasard pouvait bien faire les choses. M’enfin, ça ne changeait pas grand-chose au final qu’ils se retrouvent ici tous les deux. Elle trouvait curieux que Ryaru consomme de l’alcool, elle l’imaginait plutôt davantage intellectuel, plongé dans ses bouquins à longueur de temps. Mais au fond, elle-même devait projeter cette image de fille modèle et pourtant elle se retrouvait elle aussi devant un verre de rhum bien fort.

– Oui, c’est un étrange hasard. Un verre de rhum… et toi ? tu es venu ici pour boire un verre ou te fabriquer une gueule de bois ?

Souriant légèrement pour démontrer que la phrase était une plaisanterie, elle prit ensuite son verre et en but une gorgée, grimaçant légèrement après. La jeune femme ne comptait pas trop boire, car elle ne tenait pas bien l’alcool et se retrouvait souvent dans des positions embarrassantes lorsqu’elle consommait trop de ce breuvage – qu’elle n’appréciait pas particulièrement d’ailleurs.

D’un simple geste de la main de la part de l’elfe noir, la jeune femme vit le Barman apporter une autre choppe de bière à celui-ci. Et la suite la surpris davantage, lorsque d’un seul autre mouvement il en but déjà la moitié. Ne voulant pas paraître nulle à côté de ça, Rakuen pris son verre et calla le reste d’un trait, regrettant néanmoins ensuite car le gout était atrocement fort, ce qui lui arracha une grimace.

Elle sentit ensuite le regard de Ryaru peser sur elle… enfin, une partie d’elle. La jeune femme le regarda avoir son regard de posé sur ses cuisses, pratiquement dénudées, et son petit commentaire lui fit rouler les yeux, mais rougir un peu. Elle n’avait pas vraiment envie de se retrouver là trop vite non plus. Beaucoup d’hommes avaient bien tentés de la séduire simplement pour avoir du sexe et elle ne tenait pas à encore tomber dans le piège de quelqu’un qui ferait pareil. Elle ne pensait pas précisément que l’elfe était une personne de ce genre, mais une partie d’elle lui répétait simplement d’être prudente.

– Et bien je sais m’arrêter lorsqu’il le faut alors soit tranquille je ne ferai pas de folies

Un homme qu’elle n’avait pas remarqué et qui était plutôt près d’elle, dans son dos évidemment, passa discrètement sa main sur le postérieur de la jeune femme en murmurant une petite phrase de saoulons pervers. Offusquée, elle n’hésita pas à lui mettre son point au visage, l’homme perdant évidemment l’équilibre et tomba au sol un peu plus loin.

L’homme se releva, ne revenant pas à la charge, décidant plutôt d’écouter les conseils de ses amis et de rentrer chez lui «avec sa femme». Rakuen se dit en son fort intérieur que les hommes ne changeraient jamais. Enfin, la plupart, elle savait qu’ils n’étaient pas tous comme ça. Mais la plupart et bien, ils avaient des femmes attentionnées et qui n’espéraient qu’ils rentrent à la maison et pourtant, ils passaient leur temps à boire et reluquer les jeunes femmes dans la vingtaine d’années.

Son attention revint sur la scène actuelle, alors que son amant lui pris les mains pour vérifier si elle avait des blessures par rapport au coup de poing. D’un sens, elle en fut touchée qu’il s’inquiète pour elle, et d’un autre, avec le commentaire qu’il venait de faire, elle se demanda s’il la croyait faible à ce point en combats. Certes son aura magique devait exprimer une puissance, mais elle savait parfaitement se débrouiller avec quelconque arme et même les combats au corps à corps à mains nues.

– J’ai appris à me battre autrement que par la magie…

Dès qu’il parla d’embrasser, elle rougit de nouveau puis regarda autour d’elle pour voir s’il y avait d’autres élèves. N’en voyant aucun, elle se pencha d’elle-même vers lui et posa ses lèvres sur celle du drow, l’embrassant tendrement, sous le regard étrange du Barman.

La jeune femme se colla davantage à l’elfe noir, faisant comme lui et prolongeant le baiser. Il n’y avait personne pour les déranger maintenant, alors pourquoi ne pas en profiter ? Rakuen se surpris à penser que les lèvres de son amant étaient bien appétissantes, douces et chaudes. Elle en rougit davantage. Comment penser de telles choses alors qu’il était un étudiant de son école ? Oh et puis flute ! Elle s’en fichait complètement en ce moment, puisqu’elle passa même ses bras autour de son cou. Et puis, ils n’étaient plus dans l’école présentement non…? Et si un professeur se mettait à fréquenter un élève de l’établissement hors de l’école, ça ne la regardait plus, alors elle pouvait bien faire de même non…?

Leur baiser finit par être rompu, faute de manque de souffle en même temps, et la jeune humaine frissonna au simple petit contact de la main de Ryaru dans son dos. Étais-ce l’alcool qui rendait son corps si chaud dites-moi ? Peut-être… ou pas…

– Je t’aime…

La directrice passa près de tomber de son petit tabouret à ces mots, la rendant aussi rouge qu’une pivoine en plein soleil (le rouge tape encore plus dans l’œil). Elle se demanda un léger moment ce qu’il pouvait bien savoir de l’amour, mais elle comprit qu’il se comparait sûrement aux héros des romans qu’il passait son temps à lire… il devait bien y avoir un de ces romans qui décrivaient les symptômes de l’amour… le cœur qui s’emballe, rêvasser à la personne… ce genre de choses quoi. Mais elle-même, était-elle réellement amoureuse ? Elle prit quelques minutes pour bien y penser, puis sourit et se blottis dans les bras de l’elfe.

– Moi aussi…

Et voilà, c’était dit, bien qu’elle se doutait qu’elle allait sûrement avoir une rivale, mais elle ne pouvait pas s’attendre à autre chose de la part d’une démone. Des démons, elle en avait combattus des centaines, et ils étaient pratiquement tous comme ça. Et puis, tant pis, elle ne se laisserait pas marcher sur les pieds non plus, et c’était un risque qu’elle était prête à prendre. Dans le pire des cas, le bonheur aura duré au moins un moment…

Rakuen souhaitait que ce moment ne s’arrête jamais ; elle se sentait si bien dans les bras de son nouvel amoureux. Elle se sentait comme si elle flottait sur un nuage, et pourtant, c’est à peine si elle osait respirer, de peur de gâcher quelque chose. Son tendre amant lui demanda ce dont elle avait le plus envie en ce moment, qu’elle pourrait lui demander tout ce qu’elle voulait… mais pour l’instant, rester un moment collés l’un contre l’autre était parfait… Mais peut-être qu’allongés dans un lit ce serait encore mieux ; plus confortable surtout. Enfin elle verrait un peu plus tard dans la soirée, sans doute que ça allait se terminé ainsi de toute façon. Elle releva la tête de son torse et lui servit son plus magnifique et tendre sourire.

– Pour le moment, restée collée contre toi me satisfait amplement, bien que je devine tes propres pensées… et je me doute aussi que c’est ainsi que notre soirée va se terminé, alors accorde-moi encore quelques minutes dans tes bras s’il te plait...

La jeune femme retourna se blottir dans le petit coin de chaleur au creux des bras de Ryaru et fermi les yeux pour en profiter pleinement. Au bout de quelques minutes, le Barman vint poser un verre près de la jeune femme, ce qui attira évidemment l’attention de cette dernière, son regard prétextant qu’elle n’avait rien redemandé.

– De la part de l’homme là-bas…

Tournant la tête dans la direction que le barman indiquait, elle aperçut son mari, lui-même assis entouré de deux femmes. Il lui fit un léger signe de tête, qu’elle lui rendit, puis pris le verre et le calla d’un coup, grimaçant encore à cause de la force de la boisson et toussant quelques peu. Pourtant, la boisson avait un gout étrange… m’enfin, sûrement qu’elle hallucinait…

Bien qu’elle aurait probablement dût s’attendre à le voir ici, la présence de son mari l’avait un peu chamboulée. Après tout, même si elle n’avait accepté de l’épouser que pour lui éviter une situation des plus déplorables, il restait un ami d’enfance à ses yeux, et le voir agir comme un parfait crétin – Sortir avec plusieurs femmes en même temps entre autres – lui faisait tout de même un certain pincement au cœur. Ce n’était pas qu’elle avait quelconques sentiments amoureux envers lui, mais probablement à cause que l’image qu’elle s’était fait de lui toute sa vie en prenait un coup à chaque fois qu’elle le voyait avec une nouvelle femme.

Au moins, depuis que l’école était recommencée, elle évitait de l’entendre faire l’amour à chaque soir, puisqu’elle dormait dans sa chambre privée dans l’établissement. M’enfin, là n’était pas le sujet important du moment, alors elle sourit à l’homme vers qui ses sentiments étaient tournés depuis quelques jours. Elle devait cependant clarifier un petit quelque chose avec ce dernier…

– Néanmoins, si on doit vraiment se fréquenter avec sérieux, il te faudra calmer tes impulsions de jalousie, sinon quelqu’un pourrait vraiment finir par savoir que nous sommes ensembles, et ça nous attirerait de sérieux problèmes à tous les deux… Bien que… je peux comprendre comment tu te sens…

Rakuen rougit un peu et détourna le regard. En effet, chaque fois qu’une certaine démone tournait autour du drow, elle sentait sa rage lui monter, et elle aussi l’aurait probablement attaquée. Mais elle avait davantage de sang froid que Ryaru, mais elle ne pouvait retenir ses sentiments de jalousie. M’enfin, c’était la vie…

– Peut-être devrions-nous rentrer… ou désire-tu boire davantage ?

La jeune femme embrassa le drow pour le remercier d’avoir payé pour elle, même si la tête commençait à lui tourner à cause du trop plein d’alcool qu’elle venait de consommer ; du moins, elle pensait bien que c’était ça la raison. Elle s’appuya un moment contre le comptoir pour tenter de stopper les étourdissements, ce qui se produit après quelques minutes. Rakuen s’excusa puis sourit à Ryaru pour le rassurer, ressortant par la suite de la Taverne… en titubant un peu.

En sortant dehors, quelqu’un lui fonça dedans, un homme d’une quarantaine d’années qui semblait bien pressé. Elle tomba à la renverse, l’homme s’excusa rapidement mais continua simplement son chemin. Cela sembla lui prendre quelques minutes avant de réaliser qu’elle était rendue assise au sol, puis elle se releva d’un bond, grommelant quelques jurons en langue elfique, mais elle se rattrapa pour cela aussitôt également, ses joues prenant une légère teinte rougeâtre.

– D-désolée…

Retournant vers l’école, marchant du mieux qu’elle le pouvait, elle commençait à se demander si le dernier verre d’alcool n’avait pas été empoisonné… mais voyons c’est absurde ! Pourquoi son ami voudrait-il la tuer ? Après tout, il n’hériterait de rien, puisque ce n’était que des arrangements entre lui et elle, pas question de séparation des biens au divorce… Mais… il est certain que si elle mourrait, il était en droit d’exiger ce qu’elle possédait, en tant que son «mari», puisqu’elle n’avait pas fait de testament…

S’arrêtant, elle commença à tousser, et s’appuya contre un poteau de lampadaire non loin. Elle ne voyait plus grand-chose et sa respiration semblait de plus en plus difficile.

– J’ai… besoin d’un… antipoison…

La jeune femme fut légèrement surprise que son amant lui propose de son sang, mais au moins elle apprit quelque chose sur les drow. Bien que l’idée de boire du sang semblait plutôt la répugner, elle n’avait pas non plus envie de mourir. Son mari se retrouverait avec tous ses biens et probablement qu’il revendrait la Zen’shi Institute au plus offrant. Hors de question qu’elle permette ça, et surtout qu’elle rende l’âme à cause d’un stupide poison… Une chose était certaine, elle ne rentrerait pas à la maison, de peur de trouver un assassin qui l’attendait assis sur le canapé et en pointant une arme à feu sur elle… bref… trêve d’imagination…

Rakuen hésita néanmoins, mais finit par lécher un peu le sang sur la main de Ryaru, grimaçant un peu puisque ce n’était pas un goût qu’elle appréciait vraiment, mais avala tout de même la substance. Si ça pouvait lui permettre de ne pas mourir d’ici à ce qu’elle arrive dans son bureau à l’école, elle serait sauve, puisqu’elle avait de nombreuses potions dans ses tiroirs, dont des antipoison… Sinon, Lia en fabriquerait un…

– M…merci… mais… si je ne… bois pas une… potion… rapidement… ma respiration… va s’arrêter et… je vais… suffoquer… Je dois… rentrer à… l’école…

Bien qu’elle ne voyait pas grand-chose, l’instinct de survie était généralement plus fort que les malaises. Ainsi, se redressa-t-elle sur ses jambes et marcha du mieux qu’elle le pouvait vers l’école, manquant de foncer dans quelques personnes, et ce dont elle s’excusa.